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from lautman

September 17, 2015

A very rough translation (really just Google plus a first pass at corrections) of the closing paragraphs of Lautman’s half of this 1939 joint presentation with Cavaillès to the SPdP, entitled “Mathematical Thought” (La Pensee Mathematique). For whatever reason, they're are edited out of the Goldhammer translation in the Balibar/Rajchman/Boyman ed. anthology, French Philosophy Since 1945, which is the only place I know of the text being available in English. (Whew.) Anyway, to me these lines seem important, and to differ in minor but interesting ways from the statements of the same theses by Lautman elsewhere. (For these, see, of course, S. Duffy’s translation, Mathematics, Ideas, and the Physical Real.) So having poked at them a bit, I offer them to the stranger-gods of the web. Corrections are entirely welcome; probably half the people who’d be inclined to read this are more proficient (and definitely more efficient) Francophones than yours truly!

It seems to me that the problem of the relations of the theory of Ideas and Physics could be studied in the same way. Consider for example the problem of the coexistence of two or more bodies; this is a purely philosophical problem that we say that Kant posed rather than solved in the third category of relation. It is nevertheless found that as soon as the mind tries to think what may be the coexistence of several bodies in space, it necessarily engages in the yet-insurmountable difficulties of the n-body problem. Or again consider the problem of the relations of movement and rest. One can pose abstractly the problem whether the notion of movement is meaningful only in relation to absolute rest, or whether, on the contrary, there is rest only in relation to certain changes; but any effort to resolve such difficulties give rise to the subtleties of the special theory of relativity. One can also wonder to which of the two concepts of movement and rest one must attach a physical sense, and this is a point where classical mechanics and wave mechanics are opposed. The former considers the wave as a real physical motion; for the latter, on the contrary, the wave equation appears only as an artifice to highlight the physical invariance of certain expressions with respect to certain transformations.  It thus appears that the theories of Hamilton, Einstein, Louis de Broglie, become meaningful by reference to the concepts of movement and rest of which they would constitute the genuine dialectic. It may even be that what physicists call a crisis of contemporary physics, struggling with the difficulties of the relations of the continuous and discontinuous, is only a crisis relative to a pretty barren conception of life of the mind where the rational is identified with the unit. [ne soit crise que par rapport à une certaine conception assez stérile de la vie de l’esprit, où le rationnel s’identifie avec l’unité.] To the contrary, it seems more fruitful to wonder whether the goal of reason in the sciences is not rather to see, in the complexity of the real, in Mathematics as in Physics, a mixed [un mixte], whose nature can be explained only by going back to the ideas in which this real participates.

One sees here what the task of mathematical philosophy, and even of the philosophy of science in general, must be. One has to build the theory of Ideas, and this requires three kinds of investigations: [first] the ones that fall within what Husserl calls descriptive eidetics, which is to say, the description of those ideal structures which are incarnated in Mathematics and whose wealth is inexhaustible. The spectacle of each of these structures is each time more than just another example provided in support of the same thesis, since it is not excluded that it is possible (and this is the second of the tasks assignable to mathematical philosophy), to establish a hierarchy of ideas and a theory of the genesis of ideas from one another [les unes à partir des autres], as Plato envisioned. It remains finally (and this is the third of the announced tasks) to rework the Timaeus, that is to say, to show, in the Ideas themselves [au sein des Idées elles-mêmes], the reasons for their applications to the sensible universe.

These seem to be the main goals of mathematical Philosophy [or, “philosophy of mathematics”: Philosophie mathématique].

 

Il me semble que le problème des rapports de la théorie des Idées et de la Physique pourrait être étudié de la même façon. Considérons par exemple le problème de la coexistence de deux ou de plusieurs corps ; c’est là un problème purement philosophique dont nous dirons que Kant l’a plutôt posé que résolu dans la troisième catégorie de la relation. Il se trouve néanmoins que, dès que l’esprit essaie de penser ce que peut être la coexistence de plusieurs corps dans l’espace, il s’engage nécessairement dans les difficultés encore insurmontées du problème des n corps. Considérons encore le problème des rapports du mouvement et du repos. On peut poser abstraitement le problème de savoir si la notion de mouvement n’a de sens que par rapport à un repos absolu ou si, au contraire, il n’y a de repos que par rapport à certains changements ; mais tout effort pour résoudre de pareilles difficultés donne naissance aux subtilités de la théorie de la Relativité restreinte. On peut également se demander à laquelle des deux notions de mouvement et de repos il faut attacher un sens physique, et c’est un point où s’opposent la Mécanique classique et la Mécanique ondulatoire. Celle-là envisage l’onde comme un mouvement physique réel ; pour celle-ci au contraire, l’équation d’onde n’apparaît plus que comme un artifice destiné à mettre en lumière l’invariance physique de certaines expressions par rapport à certaines transformations. Il apparaît ainsi que les théories de Hamilton, de Einstein, de Louis de Broglie, prennent tout leur sens par référence aux notions de mouvement et de repos dont elles constitueraient la véritable dialectique. Il se peut même que ce que les physiciens appellent une crise de la Physique contemporaine, aux prises avec les difficultés des rapports du continu et du discontinu, ne soit crise que par rapport à une certaine conception assez stérile de la vie de l’esprit, où le rationnel s’identifie avec l’unité. Il semble au contraire plus fécond de se demander si la raison dans les sciences n’a pas plutôt pour objet de voir dans la complexité du réel en Mathématiques comme en Physique, un mixte, dont la nature ne pourrait s’expliquer qu’en remontant aux Idées auxquelles ce réel participe.

On voit ainsi quelle doit être la tâche de la Philosophie mathématique et même de la Philosophie des sciences en général. Il y a à édifier la théorie des Idées, et ceci exige trois sortes de recherches : celles qui ressortissant à ce que Husserl appelle l’eidétique descriptive, c’est-à-dire ici la description de ces structures idéales, incarnées dans les Mathématiques et dont la richesse est inépuisable. Le spectacle de chacune de ces structures est à chaque fois plus qu’un exemple nouveau apporté à l’appui d’une même thèse, car il n’est pas exclu qu’il soit possible, et c’est la seconde des tâches assignables à la Philosophie mathématique, d’établir une hiérarchie des Idées et une théorie de la genèse des Idées les unes à partir des autres, comme l’avait envisagé Platon. Il reste enfin, et c’est la troisième des tâches annoncées, à refaire le Timée, c’est-à-dire à montrer, au sein des Idées elles-mêmes, les raisons de leurs applications à l’Univers sensible.

Tels me paraissent être les buts principaux de la Philosophie mathématique.